Vous êtes porteur d’entre 5 et 20 mutations récessives graves. Je m’explique:
Les mutations sont des changements qui se produisent dans le code génétique de chaque être vivant, certains sont transmis aux enfants et d’autres non, selon les cellules affectées.
En théorie, ils sont nécessaires à l’évolution des espèces (nous sommes les descendants des chimpanzés, vous pouvez donc imaginer les mutations que nous avons soufferts!) mais trop souvent la nature se trompe et certaines des erreurs qui se produisent causent ou prédisposent à des maladies plus ou moins graves.
Être porteur signifie que vous avez l’une des deux copies du gène en question altérée, mais que vous n’êtes pas malade car la copie saine exerce sa fonction avec normalité.
1,8% des enfants naissent avec des maladies génétiques. Elles peuvent être héréditaires ou apparaître spontanément, ce que nous appelons de novo. Les maladies héréditaires les plus fréquentes sont la fibrose kystique, le syndrome de l’X fragile et l’atrophie musculaire spinale entre autres.
En ce moment, les scientifiques ont mis au point des tests génétiques qui permettent de savoir quelles sont les maladies héréditaires dont nous sommes porteurs. Son utilité est celle de connaître votre «passeport génétique» et, avant d’avoir un enfant, de connaître aussi celui de votre partenaire car, si vous portez tous les deux la même mutation, vos enfants ont un 25% de risque d’exprimer la maladie.
Il existe différents kits, qui étudient un nombre plus ou moins grand de maladies, 1.000-2.000 mutations liées aux 200-300 maladies héréditaires les plus fréquentes. (Il y a plus de 6.000 maladies héréditaires, mais la plupart sont très rares).
Ces analyses sont effectuées sur un échantillon de sang, elles ont un coût approximatif de 500 euros, et le résultat, qui est prêt en 2-3 semaines, doit toujours être expliqué par un expert.
S’il s’avère que les deux partenaires ont la même mutation, on peut faire une Fécondation In Vitro avec Diagnostic Génétique Préimplantatoire (DPI) pour ne transférer que les embryons sains ou, alors, faire l’étude de cette maladie sur l’embryon au cours des premiers mois de la grossesse.
L’implication économique peut être envisagée de différents points de vue. Certaines compagnies d’assurance américaines l’incluent dans la couverture des futurs parents, parce qu’il leur revient moins cher de payer ce test que d’avoir à prendre en charge plus tard le diagnostic et le traitement d’un enfant atteint d’une maladie chronique grave.
Le coût d’une Fécondation In Vitro avec DPI pour ce type de maladies est élevé, celui du diagnostic sur le fœtus est moins cher, mais si le bébé était atteint, cela impliquerait l’interruption de la grossesse.
Je l’ai déjà demandé à beaucoup de gens ces jours-ci et c’est à vous que je le demande maintenant : voulez-vous connaître votre passeport génétique?
Gardez à l’esprit que ces tests permettent la naissance d’enfants non affectés par des mutations dont vous êtes porteurs, vous et votre partenaire; mais ils ne garantissent pas la naissance d’un bébé en bonne santé parce que beaucoup de maladies sont issues de mutations spontanées de novo.
D’habitude, nous ne pensons pas que cela puisse nous arriver, mais quand on voit dans les médias un petit garçon grièvement malade, sa souffrance et celle de sa famille, les traitements continus auxquels il est soumis, le désarroi de ne pas savoir ce qui va se passer, etc. on en a le cœur brisé!
Quant à l’implication morale, j’ai entendu toutes sortes d’opinions: des personnes qui le refusent d’entrée car ils pensent que c’est pour faire des bébés sur mesure, ou qui évoquent aussi l’eugénisme, les possibles abus, les manipulations génétiques; il y en a d’autres qui disent que c’est très bien, mais qu’ils ne le feraient pas et, encore, d’autres qui le considèrent un grand progrès et qui pensent, le cas échéant, se faire analyser génétiquement.
D’après mon expérience, les patients dont les mutations coïncident arrivent chez nous après des avortements répétés, avec des antécédents d’enfants morts ou ayant un enfant gravement handicapé, ils ne cherchent pas des bébés « de marque», ils veulent juste avoir un bébé sain!
Dans notre équipe, les gynécologues qui se chargent de l’obstétrique et de la gynécologie informent sur ces analyses toutes les femmes qui envisagent de tomber enceintes, mais pour ceux qui faisons de la reproduction, c’est plus difficile et je vais vous expliquer pourquoi: en tant que centre de référence, la plupart des patients dont nous nous occupons ont une longue histoire de stérilité ou de longues années de traitements infructueux. Je vous explique un cas d’hier: un couple de 40 ans, ils viennent d’Allemagne: elle, opérée d’endométriose et ses ovaires répondent peu, lui, une concentration de spermatozoïdes très faible, et ils ont fait quatre cycles de FIV dans son pays. Et bien… je n’ai pas eu le courage de leur dire, «Vous avez déjà pensé que vous pouvez également être porteurs de maladies héréditaires?» Je pense qu’ils avaient déjà assez de problèmes comme ça.
On dit souvent que la génétique c’est le futur, mais elle est de plus en plus «présente»!!